Antoing, le 16 vendémiaire an V (7 octobre 1796).
Louise LIEGEOIS demeurant à Antoing, comparaît devant la justice de paix d'Antoing. Elle déclare être enceinte des oeuvres de Philippe WATTEAU le jeune, demeurant à Maubray. En conséquence, elle veut que ledit WATTEAU l'épouse ou lui paye des dommages et intérêts.
Philippe WATTEAU est aussi présent. Il nie être l'auteur des dites oeuvres et avoir eu des familiarités avec ladite Louise.
Cette dernière précise que c'est le 25 mars dernier qu'elle lui a accordé la jouissance de son corps après de vives sollicitations.
Plan du bourg d'Antoing pour la distinction et séparation des terres de Flandre et de Hainaut dans ce bourg 1758-1765, détail (Archives de l'Etat en Belgique - www.cartesius.be)
Antoing, le 13 brumaire an V (3 novembre 1796).
Plusieurs témoins comparaissent en faveur de Louise LIEGEOIS.
Un témoin déclare avoir vu les deux comparants ensemble boire un verre de bière dans une taverne.
Un autre dit avoir prêté une chambre particulière audit Philippe WATTEAU. Il s'y est enfermé avec ladite Louise LIEGEOIS. Tous deux ont bu de la bière et de l'eau-de-vie. Et en sortant, ladite LIEGEOIS était tellement ivre qu'elle vomit en grande abondance.
Antoing, le 21 brumaire an V (11 novembre 1796)
Plusieurs témoins comparaissent en faveur de Philippe WATTEAU.
Un témoin déclare avoir entendu plusieurs fois Jean-Baptiste LEPINE ouvrier brasseur à Antoing, dire que Louise LIEGEOIS était enceinte de ses oeuvres.
Un autre précise avoir entendu ledit Jean-Baptiste LEPINE dire qu'il avait foutu la fille LIEGEOIS et qu'elle était grosse de ses oeuvres. Et quand il gagnait 4 escalins, il y en avait la moitié pour elle.
Un troisième déclare avoir vu, 15 jours avant le lundi parjuré de cette année, Louise LIEGEOIS s'amuser entre minuit et une heure au clair de la lune, près de la rue faisant le coin de la rue du Curé et de la grande Rue, avec un homme qu'il n'a point reconnu.
Un autre encore, raconte que ledit LEPINE lui a dit, le 15 août dernier, alors qu'il allait servir Notre-Dame de Bonsecours pour la prospérité de sa maîtresse qui était enceinte de lui, qu'il devait être à midi à Tournai pour aller baiser sa maîtresse Louise LIEGEOIS et aller au faubourg avec elle.
Un autre a vu Jean-Baptiste LEPINE jeter son chapeau par terre en disant : "Que le diable m'emporte si elle n'est pas grosse de moi !". Il rajoute que ladite LIEGEOIS a dit à son amant d'attendre encore deux à trois semaines, qu'avec l'argent dudit WATTEAU elle l'aurait rhabillé de pied en cap et qu'ensuite elle aurait marié avec.
Un chirurgien d'Antoing déclare que Louise LIEGEOIS est une coureuse, que lorsque les troupes françaises à l'époque de l'évacuation sont passées à Antoing, elle courait continuellement dans les camps et que souvent sa maison était pleine de soldats qui la courtisaient. Tantôt ils étaient 6 ou 7, tantôt 16 et quelques fois plus ! De plus, immédiatement après l'évacuation des troupes françaises, les autrichiens ayant établi leur chancellerie à Antoing, ledit chirurgien ayant été appelé pour visiter un fiévreux logé chez un chanoine de la collégiale d'Antoing, il vit ladite Louise LIEGEOIS occupée au coït avec un militaire employé à l'escorte de la chancellerie.
Plusieurs témoins déclarent aussi avoir passé la journée du 25 mars avec ledit Philippe WATTEAU.
Antoing, le 11 frimaire an V (1er décembre 1796)
On apprend que ladite Louise LIEGEOIS vient d'accoucher. En effet, un petit Eugène est né ledit jour, enfant illégitime de ladite Louise. L'acte ne précise pas l'identité du père.
(Source : Registre des baptêmes de la paroisse Saint-Pierre à Antoing)
Jugement rendu ledit 11 frimaire an V :
Suivant les coutumes locales et la jurisprudence, trois choses sont requises pour qu'une fille déflorée soit adjugée dans ses fins et conclusions, savoir : le serment prêté entre les mains de la sage-femme ou du chirurgien juré dans les douleurs de l'enfantement ; la preuve d'une bonne conduite ; la preuve des familiarités avec celui que la déflorée charge.
Considérant qu'il n'y a aucune preuve de bonne conduite de ladite Louise ; considérant qu'il manque de témoins à charge dudit Philippe WATTEAU ; considérant aussi qu'il est prouvé par plusieurs témoignages que ladite Louise LIEGEOIS s'est amusée la nuit au coin de la rue du Curé avec un individu mâle ; considérant que pareille conduite n'a pu avoir lieu sans blesser toutes les règles de la pudeur (lequel fait constaté marquant évidemment sa mauvaise conduite), d'après tous ses motifs et considérations, ladite Louise LIEGEOIS est renvoyé de ses fins et conclusions, avec sa condamnation aux dépens.
Et finalement, on ne sait toujours pas qui est le père d'Eugène !
Pour aller plus loin, il serait intéressant de chercher ce que sont devenus les différents protagonistes de cette affaire.
Source : Archives de l'Etat à Tournai, Justice de Paix d'Antoing, n°10
A demain, j'espère, du côté de Bailleul, Basècles, Baugnies, Béclers, Beloeil, Blandain, Bléharies ou Bruyelle. Ou peut-être ailleurs.
A demain, j'espère, du côté de Bailleul, Basècles, Baugnies, Béclers, Beloeil, Blandain, Bléharies ou Bruyelle. Ou peut-être ailleurs.
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